CHAPITRE XX
M3 fut étonnamment calme lors du vol entre le Répit et le Home One. Wedge se demanda si le monde s’était retrouvé cul par dessus tête pendant son sommeil. Le droïd ne l’avait pas ennuyé avec des détails interminables sur ses raisons de rejoindre le Home One. Il était simplement venu lui dire qu’il avait des choses à régler sur le vaisseau amiral.
Wedge réalisa qu’il avait à peine vu M3 lors de leur séjour sur Talasea. Personne ne s’était plaint de lui, une situation qui lui convenait parfaitement. S’occuper des pilotes était suffisant. Se soucier d’un droïd caractériel n’avait rien d’indispensable.
— Je suis heureux de vous voir, commandant Antilles, capitaine Celchu, dit le général Salm, un grand sourire aux lèvres. Je vous remercie d’avoir demandé à votre droïd M-3PO de nous envoyer ces combinaisons de vol. Nous acceptons vos excuses. Et nous serons heureux de travailler avec vous pour cette mission.
Wedge jeta un coup d’œil à Tycho, qui lui fit comprendre qu’il ne savait pas ce qui se passait.
Si Salm est content, ai-je besoin de connaître les détails ?
— Nous aussi, général. Nous sommes du même côté, après tout.
— Les eaux sont paisibles, et c’est très bien, dit Ackbar. Nos droïds ont vérifié les résultats de l’autopsie des commandos que vous avez ramenés de Talasea. Ils ont confirmé que la maladie de peau dont souffraient trois d’entre eux est la roséole de Rachuk. La variété la plus récente, d’après le taux de mutation de ce virus.
— Donc, ils venaient de Rachuk.
Ackbar montra l’image holographique flottant au milieu du groupe : un monde de taille moyenne, couvert d’îles-jungles.
— L’Empire a implanté une base sur Vladet, dans le système de Rachuk, pour décourager les pirates. Un grand nombre de vaisseaux commerciaux traversent le secteur. Le système de Chorax en fait partie, ainsi que celui d’Hensara. Il semble que le commandant du secteur a décidé d’éliminer l’Escadron Rogue.
— Mais comment a-t-il su où nous étions ?
Le visage de Salm s’assombrit.
— Nous ne pouvons pas exclure la présence d’un espion au sein de l’escadron.
Tycho ne broncha pas.
— Soit il n’y a pas d’espion, soit celui-ci est si bien caché que nous n’avons pas pu le détecter.
— Ce n’est pas une raison pour s’abstenir de vérifier, dit Salm.
— La base avait des règles de sécurité très strictes, dit Tycho. Aucun message non autorisé n’est entré ou sorti.
— À votre connaissance !
— C’est exact, monsieur.
— Ou, ajouta Salm avec un sourire, vous ne l’avez pas mentionné dans les rapports.
— Général, dit Wedge, le capitaine Celchu vous a communiqué les résultats des vérifications que j’ai effectuées. Il n’y a pas eu de fuites.
Ackbar fit un geste de la main.
— Il est probable que l’Empire avait implanté un des détecteurs passifs dans les bâtiments après l’extermination de la colonie par Vador. Si ces appareils étaient programmés pour envoyer des données dans un format inhabituel, nous avons pu les rater.
— Ils ont peut-être eu un simple coup de chance.
— Que voulez-vous dire, capitaine Celchu ? demanda Salm.
— Les Impériaux ne sont pas très subtils. À la place du commandant de Rachuk, j’aurais mobilisé toutes mes forces si j’avais localisé l’Escadron Rogue. Et nous savons qu’ils ont un Interdicteur plus au moins un croiseur capable de transporter trois escadrons de Tie. Comme nous n’avons rien vu de tout ça, nous devons supposer qu’un peloton de commandos nous a localisés lors d’une reconnaissance. Leur commandant a estimé qu’il serait bon pour sa carrière de nous éliminer…
— Les choses auraient pu se passer ainsi, admit Ackbar. Mais beaucoup de petits vaisseaux marchands sont entrés et sortis de Talasea…
— Oui, monsieur. M3 peut vous communiquer les données.
— C’est déjà fait. Les vaisseaux semblent honnêtes, mais il ne faut pas grand-chose pour compromettre la sécurité d’une base. Un mot malheureux suffirait. Bref, concentrons-nous sur l’origine des commandos. On a dû s’apercevoir de leur absence, puisqu’ils sont morts depuis deux jours.
Wedge croisa les bras.
— La réaction classique de l’Empire serait d’envoyer des troupes occuper la planète afin de nous empêcher de l’utiliser de nouveau.
— Nous pensons que l’Infernal et le Vipère Noire seront envoyés sur Talasea. Ils ne défendront plus Rachuk.
Salm toucha de l’index une zone du monde holographique. L’île sélectionnée grandit. L’ordinateur ajouta différents détails militaires : des bâtiments, des montagnes, des batteries de canons ioniques.
Une chaîne de pics entourait la base.
— Nous avons des informations sur l’emplacement et les trajets des vaisseaux du secteur de Rachuk. Nous estimons que Vladet devrait pouvoir faire l’objet d’une attaque de représailles. L’endroit idéal est Grande Ile, que vous voyez ici.
Wedge s’approcha.
— Des boucliers défensifs ?
— Ils ne peuvent pas les utiliser s’ils veulent se servir de leurs canons à ions. Cette île, comme vous le voyez, fait partie d’une chaîne de volcans éteints. Les Impériaux ont des générateurs géothermiques anciens, incapables d’alimenter les canons et de maintenir un bouclier en même temps.
— Et s’ils décident de jouer les tortues au lieu de nous tirer dessus ?
— Le générateur de bouclier doit couvrir la surface comprise entre la plage et le sommet des montagnes. Du côté nord, il devrait être possible de faire sauter les pics et de pratiquer une ouverture suffisante pour les bombardiers. Quand nous serons passés sous le bouclier, nous ferons sauter les générateurs et ce sera terminé.
— Choisirons-nous une attaque-surprise suivie d’une retraite rapide, ou allons-nous les envahir ?
— Nous voulons endommager Vladet afin que l’Empire soit obligé d’y amener des troupes supplémentaires. Ce raid doit avoir lieu dans douze heures. Quel sera le statut de l’Escadron Rogue à ce moment ?
— J’aurai deux pilotes de moins. On pourrait confier l’aile X de Forge au capitaine Celchu.
— Non ! lança le général Salm.
— Ce que le général veut dire, fit Ackbar, c’est que nous nous servirons de l’Eridain comme centre de commandement. À la demande du capitaine Afyon, Celchu s’y trouvera pour coordonner l’Escadron Rogue et les Défenseurs.
Wedge fronça les sourcils.
Pourquoi Salm fait-il confiance à Tycho pour diriger toutes nos forces, alors qu’il n’en veut pas dans le cockpit d’une aile X ? Il devrait pourtant savoir où il peut faire le plus de dégâts.
— Cela vous paraît-il acceptable, capitaine ? demanda Wedge.
— Oui, monsieur. Je n’ai pas assez d’heures de vol à bord d’une aile X pour être qualifié. Je m’occuperai de la coordination.
— Vous travaillerez sur l’Eridain avec mon contrôleur de vol, capitaine, dit Salm.
Et c’est lui qui décidera s’il doit transmettre les ordres…
— Oui, monsieur, dit Celchu.
— Bien, conclut Ackbar. Vous retournez sur le Répit pour le service funèbre ?
— Oui.
— Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, le général Salm et moi vous y rejoindrons pour assister à la cérémonie.
Wedge sourit de l’air surpris du général.
— Nous serons fiers de votre présence, monsieur.
— Et nous honorerons la mémoire de vos morts. Je suppose que vous aimeriez que les pilotes des Défenseurs se joignent à nous, général ?
Salm hésita un instant, puis hocha la tête.
Kirtan Loor se baissa instinctivement quand il sentit le sol trembler. Une autre explosion retentit un instant plus tard.
Le comlink accroché à son revers bipa.
— Quatre cent dix-huit et Quatre cent vingt ont été abattus, dit une voix.
L’agent de renseignement frissonna. Le commando parlait comme si les pièges des Rebelles avaient démoli des droïds et pas tué des hommes.
Il est vrai que les commandos ne sont pas vraiment humains…
Conditionnés dès l’enfance pour montrer une loyauté totale à l’Empereur, ils avaient été perturbés par sa mort. Le résultat n’était pas une baisse d’efficacité, mais un plus grand mépris encore de leur propre sécurité.
Loor se releva.
Peu importe combien de commandos meurent. Ils doivent être fabriqués en série quelque part…
Il esquissa un sourire, mais le ravala vite. Deux soldats en armure blanche sortirent du brouillard. Ils s’arrêtèrent devant lui.
— Agent Loor, dit un des hommes sans le regarder.
Kirtan fit de son mieux pour ressembler à Tarkin.
— Message prioritaire provenant de Vladet. Vous devez y retourner immédiatement et attendre les ordres.
— À quoi joue cet imbécile de Devlia ? s’exclama Kirtan.
Il avait été furieux d’apprendre que Devlia avait envoyé un unique peloton de commandos sur Talasea, au lieu de faire une reconnaissance avec un droïd sonde, puis de lancer une attaque à grande échelle. Devlia avait ignoré son avis et envoyé les commandos parce qu’ils étaient « faciles à remplacer ».
Il n’en allait pas de même pour les sondbots.
— Dites à Devlia que je rentrerai quand j’aurai fini mon exploration de Talasea.
— Le message provient du Centre Impérial, monsieur, pas de l’amiral Devlia.
Kirtan essaya de cacher son angoisse, mais il sut que les commandos l’avaient sentie.
— On a envoyé un vaisseau me chercher ?
— Vous devez utiliser une des navettes, le Helicon, pour vous rendre directement sur Vladet. Elle vous attend sur le terrain d’atterrissage.
— Merci, dit Kirtan d’une voix peu assurée. Vous pouvez disposer.
Les deux commandos repartirent.
Cœur de Glace doit avoir reçu mon message au sujet de ce fiasco. Si elle veut blâmer quelqu’un, ce ne sera pas moi.
Il se força à sourire et se donna du cœur au ventre en se représentant Devlia mort de peur.
Tu peux trembler, petit homme. En ignorant mes conseils, tu as encouru la colère bleu ma maîtresse. Et je ne doute pas que sa colère soit mortelle !
Les sept cercueils drapés de blanc étaient posés sur une plate-forme à répulsion. Ceux des six sentinelles portaient l’emblème de la Rébellion. Sur celui de Lujayne, le blason de l’Escadron Rogue ne comptait plus que onze ailes X.
Les cercueils se trouvaient au milieu de la baie tribord du Répit.
Tous les pilotes de l’escadron étaient debout derrière, sauf un. Andoorni Hui, trop faible pour marcher, était allongée dans un fauteuil antigrav, ses yeux noirs à demi fermés.
Derrière les pilotes, les techniciens et les équipes évacuées de Talasea se tenaient au garde-à-vous.
Wedge vit aussi les hommes et les femmes des Défenseurs de Salm, et une partie du personnel du Répit.
L’assemblée rappelait à Wedge la réunion tenue sur Yavin 4 en l’honneur de Luke, de Yan et de Chewbacca après la destruction de l’Étoile Noire.
J’aurais préféré que celle-là ait lieu pour un événement plus heureux.
Wedge avança vers les cercueils, se recueillit un instant puis prit la parole.
— Il y a plus de sept ans, nous étions réunis à la suite d’une grande victoire. Aucun d’entre nous ne pensait que la lutte contre l’Empire ne faisait que commencer. Pour nous, l’avenir se mesurait en termes de minutes ou d’heures. L’espérance de vie, surtout pour les pilotes, se comptait en missions, et sur les doigts d’une seule main.
Nous avons célébré la destruction de la première Étoile Noire comme si nous avions écrasé l’Empire. Nous savions que ce n’était pas vrai. Mais nous voulions oublier un instant que notre combat pour la liberté serait long et difficile.
Notre rêve est toujours vivant. Notre combat continue. L’Empire existe toujours, mais son étreinte se relâche. Il lui reste encore, hélas, les moyens de donner la mort, comme le prouvent les corps de nos camarades.
Je ne vous dirai pas que Lujayne, Carter, Pirgi ou les autres souhaiteraient que vous continuiez à vous battre. Notre devoir est de mener la lutte jusqu’à ce que l’Empire ne puisse plus ôter la vie à ceux qui aspirent à la liberté.
Il recula, faisant signe au technicien posté près de l’écoutille de la baie de décollage. La plate-forme se souleva lentement, flottant vers la sortie. Les pilotes et l’équipage laissèrent le passage au cortège funèbre. La plate-forme pénétra dans le champ de contention de l’atmosphère, puis dans le vide spatial, et s’escamota sous les cercueils, qui flottèrent dans l’espace constellé d’étoiles.
Les voilà en route pour leur dernier voyage…
Les cercueils filèrent comme des rayons laser vers le centre de l’étoile, où ils se désintègreraient.
Ackbar posa une main sur l’épaule de Wedge.
— Il n’est jamais facile de devoir dire adieu à nos soldats.
— Non. Et c’est bien ainsi. Si la mort de nos amis nous laissait indifférents, nous serions pires que nos ennemis. Pas question de laisser une telle chose arriver.